« Habiter le campement », l’exposition sur un habitat en marge

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« Habiter le campement », l’exposition sur un habitat en marge

Comment habiter autrement ? Comment vivre dans ces habitats minimaux, informels et précaires, souvent conçus pour être temporaires et qui demeurent finalement ? L’exposition « Habiter le campement »  à la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris s’intéresse à ces nomades, exilés, voyageurs, contestataires, infortunés, conquérants qui ont en commun de vivre dans un campement, considéré ici comme une architecture et un urbanisme en soi.

Sous un baraquement fait de tôles ou de bois, une tente, une yourte, une roulotte, un hamac tuk-tuk, un camping-car, à la manière des festivaliers de Burning Man dans le Nevada, des peuples nomades Berbères ou Touaregs, des migrants de la jungle de Calais ou des Sans-papiers squattant au métro Porte de la Chapelle de Paris, des victimes de catastrophes naturelles ou de conflits à l’image des camps de caravanes en Louisiane suite à l’ouragan Katrina aux Etats-Unis en 2009, des indignés de la Plaza Del Sol en Espagne ou de Occupy Wall Street en 2011, des Zadistes de Sivens, des rebelles kurdes du PKK jusqu’aux astronautes de la station spatiale internationale, l’exposition donne à voir les nombreuses et diverses formes et manières de vivre le campement. Pour mieux rendre compte de cette richesse, « Habiter le campement » s’appuie sur le photojournalisme. Pas moins de 1400 photographies sont exposées décrivant 300 situations différentes.

Tente de la tribu des Quashquaï - Crédit : Kaisu Raasakka

Tente de la tribu des Quashquaï – Crédit : Kaisu Raasakka

Loin des a-priori, ces clichés racontent un autre récit sur le campement. Qu’il soit subi comme pour ces infortunés et ces exilés parqués dans des camps insalubres ou choisi à la façon des Travellers version sac à dos ou rebelle comme les mouvements de contestation post-hippies qui voient dans cet habitat alternatif une revendication politique, ce mode d’occupation du territoire est davantage qu’un simple un abri car il crée des lieux de société, de sociabilité et de solidarité. Ce qui surprend aussi, c’est qu’entre toutes ces formes de campement, la frontière est ténue. Les conditions de vie et les pratiques du campement sont parfois étonnement proches entre chacun d’entre elles.

Fiona Meadows commissaire de l’exposition, responsable de programme à la Cité de l’architecture & du patrimoine décrit ainsi le campement : « c’est le rassemblement temporaire des abris, mais c’est aussi bien plus : comme le rappelle Saskia Cousin, c’est la possibilité de faire clan, communauté, société […]. L’abri nous parle d’architecture, le campement d’urbanisme. Sans lieu fixe ni durée déterminée, ce dernier s’inscrit dans un temps et un espace temporaire: c’est un endroit où se poser, se rassembler, avant de reprendre la route. »

La scénographie s’organise autour de la « Tangente », une installation spatiale, sonore et lumineuse signée 1024 architecture. « Ce dispositif est une métaphore du mouvement et du déplacement inhérent à toutes situations de campement. On peut choisir de traverser sans rien voir, comme avec des œillères, ou choisir d’aller découvrir les reportages sur les panneaux », explique Pier Schneider de 1024 architecture. Cette œuvre visuelle et sonore oscille entre silence et bruit, met en place des « accidents sonores » qui viennent perturber le visiteur, comme pour mieux le sensibiliser aux enjeux soulevés par cette exposition. Aussi, des lectures, extraits des  « Par les villages » de Peter Handke sont à écouter en parcourant l’espace. « Une façon de donner autre une dimension à l’exposition qui va au-delà de la réalité d’un mode architecturale, pour prendre du recul et appréhender autrement le sujet par la poésie et les sens », précise Fiona Meadows.

Camps de réfugiés à Khazar en Irak - Crédit : Yann Renoult

Camps de réfugiés à Khazar en Irak – Crédit : Yann Renoult

Alors même que le nombre de migrants et de réfugiés liés aux catastrophes naturelles et aux conflits ne cessent de croire – 20 millions réfugiés ont déjà déplacés pour des raisons environnementales selon l’ONU- réfléchir à ce qu’est aujourd’hui l’habitat du campement s’impose.  L’exposition permet ainsi  de questionner ces formes d’habitat en marge, qui sont autant de marqueurs politiques, écologiques, sociaux et économiques de nos sociétés.

Déborah Antoinat

 

 

Retrouvez l’interview de Sébastien Thiéry de l’association PEROU qui travaille sur un programme de recherches dans la Jungle de Calais.

« Habiter le campement »
Du 13 avril au 29 août 2016
Cité de l’architecture et du patrimoine
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Image de Une : Migrants à la frontière entre le Maroc et Melilla. Crédit : Sara-Prestianni