Haussmann, un modèle d’aménagement durable ?
Au Pavillon de l’Arsenal, la Ville de Paris présente jusqu’au 7 mai 2017 une exposition dédiée au préfet Hausmann. Fondée sur une relecture originale de ses grands travaux, elle entend ouvrir quelques perspectives en matière d’aménagement durable.
Préfet de la Seine entre 1853 et 1870, le Baron Haussmann a transformé en profondeur la capitale française et lui a donné l’essentiel de sa forme actuelle. L’exposition que lui consacre le Pavillon de l’Arsenal présente plus de 100 dessins, plans, archives, photographies et vidéos du Paris Haussmann. Loin du portrait d’un « artiste démolisseur » livrant Paris à la spéculation et la finance (une facette du personnage déjà largement documentée, entre autres par Walter Benjamin et Emile Zola), elle s’intéresse à son modèle d’aménagement et en souligne la durabilité, que ce soit pour sa capacité de résilience, sa flexibilité et sa sobriété.
Le Paris de Haussmann, un réseau exemplaire
« Le véritable but des travaux de Haussmann c’était de s’assurer contre l’éventualité d’une guerre civile, écrit Walter Benjamin dans Paris, capitale du dix-neuvième siècle. Il voulait rendre impossible à tout jamais la construction de barricades dans les rues de Paris. » En apparence, le vaste remaniement des voies qui s’opère entre 1853 et 1870 sert un autre but : améliorer la circulation d’une ville qui s’étouffait. Les nouveaux tracés de la ville sont constitués d’un axe Nord-Sud complété par un système de voies concentriques reliées entre elles de façon radiale. De cette adaptation aux flux (piétons, véhicules), il reste quelque chose : Paris est aujourd’hui l’une des villes les plus « marchées » d’Europe.
L’immeuble Haussmannien archétype de la flexibilité
L’immeuble Haussmannien, conçu pour être un immeuble de « rapport », a été pensé pour permettre une grande mixité programmatique et fonctionnelle : commerces en rez-de-chaussée, bureaux aux premiers étages et logements pour des locataires de différentes classes sociales.
La façade générique et le système constructif simple et surdimensionné ont facilité les changements d’affectation au cours du temps, comme celle de l’habitation devenue bureaux ou de la modification de la taille des appartements. Des mutations sans démolition-reconstruction lourdes et peu consommatrices de matière comme d’énergie.
Rappelons également que le Paris d’Haussmann a été construit avec des ressources locales : les pierres de calcaire des carrières de Saint-Maximin acheminées de l’Oise par chemin de fer et la pierre de taille des carrières du Petit-Monrouge (aujourd’hui le 14ème arrondissement).
L’îlot comme allié de la performance énergétique
La construction en ilot et ses mitoyennetés vont créer une isolation sur 50% des extérieurs et une inertie de l’ensemble. Même si sa consommation moyenne de 150 kwh/m2 est loin des standards de la RT2012 ou des maisons passives, elle est pendant longtemps exemplaire. Ce fonctionnement en ilot engendre une forte compacité (Paris a la densité la plus forte d’Europe) tout en conservant une acceptabilité sociale grâce à une architecture qui utilise « plus de plein en créant du vide ». Bien des programmes immobiliers récents ont des densités plus faibles tout en étant moins bien vécus par leurs usagers.
En terme de confort, grâce aux deux façades sur rue et sur cour, la lumière inonde les pièces par des fenêtres à la mesure des hauteurs sous plafond importantes. Ces grandes hauteurs ont également des vertus de ventilation passive en été et permettent de stocker l’air chaud. On y mesure en été 5 degrés de moins que dans un immeuble de construction contemporaine. En somme, sans en avoir conscience, Haussmann pourrait bien avoir posé les fondements de la Ville Durable en Europe.
JJ FASQUEL
Infos pratiques :
« Paris Haussmann » – jusqu’au 7 mai 2017
Pavillon de l’Arsenal 24 bld Morland 75004 Paris
du mardi au dimanche de 11h à 19h. Entrée libre.